MAGAZINE D'INFORMATION

Jean-Yves BARRIER, Les Coqueplicots (2018). Rond-point de l'Hippodrome. Chambray-Les-Tours (France)
France (Chambray-les-Tours)

Photo
© jean-yves Barrier

Photo : 2 3 4

En 2017 le rond-point de l’Hippodrome à Chambray-Les-Tours, au sud de l’agglomération tourangelle, a fait peau neuve.
L’aventure avait commencé en 1989. Jean-Yves Barrier, avec la complicité de l’éclairagiste Pierre Bideau, avait conçu une première œuvre sur ce rond-point (1) : un ensemble de colonnes lumineuses. Avec le temps, une restauration de cet espace s’avérait nécessaire, du fait de difficultés d’entretien et d’une consommation excessive en énergie – les préoccupations à l’époque n’étant pas tout à fait les mêmes qu’aujourd’hui. Il était donc indispensable d’y apporter remède. A la demande de la municipalité de Chambray-les-Tours, maître d’ouvrage, Jean-Yves Barrier a proposé une solution radicale : reprendre l’ouvrage à zéro, reconcevoir une nouvelle œuvre.

En s’appuyant sur la trame initiale et en privilégiant à nouveau un travail sur la lumière Jean-Yves Barrier a voulu perpétuer un signe fort, un geste d’accueil spectaculaire à l’entrée de la ville. Le rond-point inscrit sur l’axe principal sud-nord, aux abords de l’agglomération tourangelle, ouvre une large perspective.
La nouvelle création baptisée Les Coqueplicots (2) est composée de 552 éléments. Chaque élément est formé d’un disque en Altuglas rouge fluorescent, découpé, plié, incliné, perché sur des tiges de hauteurs variables, de 3 à 4 m, sensibles au vent pour rester légèrement en mouvement. Cette œuvre fait appel à une forme géométrique unique et une couleur élémentaire mais qui, par le jeu de la multiplicité, crée une présence d’une grande diversité et d’une grande intensité. L’œuvre fonctionne aussi bien de jour, avec la lumière solaire, que de nuit, avec un éclairage LED qui lui est associé. A ces effets de lumière est adjoint un traitement paysager, une palette végétale composée notamment de fétuque bleue et de lavandes, qui unifie ce nouvel espace.
La qualité du traitement plastique montre toute l’attention portée par Jean-Yves Barrier dans chacun de ses projets, qu’ils soient artistiques, architecturaux ou urbains, au processus de fabrication dans lequel les détails ont toute leur importance. Il y a aussi, chez ce concepteur, un intérêt constant pour les innovations technologiques. Cette œuvre fait appel aux technologies les plus avancées pour les découpes laser, les éclairages LED et la fabrication spécifique d’un altuglas fluorescent très épais.
Pour rester cohérent avec les attentes initiales, l’œuvre est économe en énergie. Avec cette réalisation la consommation énergétique d’éclairage sur le rond-point a été diminuée par 7.

Cette création plastique et visuelle tient tout à la fois de l’aménagement, du traitement paysager, de la sculpture d’environnement, de l’art urbain, de l’installation lumineuse, voire du cinétisme, mais il s’agit, d’abord et par-dessus tout, d’une expression artistique dans l’espace public, d’une œuvre d’art public(3). Sa perception sur plusieurs niveaux, par différents publics, en fait son intérêt et sa richesse.
De loin, en empruntant l’axe du grand sud, on perçoit à l’horizon une ligne colorée, un trait lumineux dans le paysage, puis au fur et à mesure en s’approchant du rond-point cette ligne se brise, Les Coqueplicots s’agitent comme une nuée de papillons qui prendraient leur envol. Cette transformation soudaine donne au lieu un caractère dynamique et magique. Au-delà, de l’aspect strictement visuel, l’intérêt de ce travail repose également et peut-être aussi plus fondamentalement sur sa symbolique. A travers l’évocation des coquelicots l’œuvre distille un message écologique. Les coquelicots, souligne Jean-Yves Barrier, ont progressivement disparu du paysage avec les pesticides (4), mais cette fleur sauvage poussait le long des routes. Par ailleurs, dit-il, les champs de coquelicots ont beaucoup inspiré les impressionnistes, peintres de la lumière, on pense par exemple à Claude Monet.
Cette création fait ainsi une double référence à la fois à l’écologie et à l’histoire de l’art.

La France des ronds-points compte désormais une nouvelle réalisation. Mais plus qu’une création plastique picturale ou sculpturale posée sur un rond-point, le rond-point de l’Hippodrome à Chambray-Les-Tours est devenu une œuvre artistique en soi.


(1) A l’époque cette commande s’inscrivait dans le cadre d’un programme de l’Etat, initié dans les années 1980 et intitulé Villes plus sûr, quartiers sans accident, dont l’enjeu était double : faire ralentir les automobilistes tout en créant des portes de villes.

(2) Le terme « Coqueplicots » est bien sûr une allusion aux coquelicots, mais cette transformation du mot qui inclut la syllabe « pli » est aussi la réminiscence d’une démarche plus générale de Jean-Yves Barrier qui, partant d’une forme géométrique simple et minimaliste, fait du pli un élément fondamental de son langage plastique et architectural. Ainsi la série des « bi’pli », des « tôl’pli » etc…

(3) L’art public est défini par Hervé-Armand Béchy, dans son ouvrage intitulé : Introduction à l’art public contemporain, publié en 2018 aux Editions Art-Public.

(4) Il existe en France, depuis l’été 2018, une association intitulée « Nous voulons des coquelicots » qui milite pour la préservation de l’environnement et qui lutte pour l’interdiction des pesticides en alertant sur les conséquences irréversibles sur la vie de notre planète. Ce monde qui s’efface est le nôtre et chaque couleur qui succombe, chaque lumière qui s’éteint est une douleur définitive. https://nousvoulonsdescoquelicots.org

http://www.jean-yves-barrier.fr


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