Laurent PARIENTE


France (Cergy-pontoise)

Photo
© laurent pariente

L'ambition de cette session était de porter une attention sur les "portes" de la ville en tant que tissu urbain complexe au-delà des limites administratives et des risques naturels liés aux crues, en posant notamment la question de l'entrée de la Seine dans Paris. Cette session permet d'explorer la relation centre/faubourgs, en prenant en compte l'urbanisation continue entre Paris et sa périphérie, entrecoupée de multiples infrastructures dont le boulevard périphérique et, au-delà du périphérique, tout l'espace de la vallée, jusqu'au "verrou" géographique de Villeneuve-Saint-Georges.

Artiste en résidence : Laurent PARIENTE

Pour Laurent Pariente l'acte de création exprime la relation au monde. L’artiste développe une attention rare à la pédagogie du projet, à son processus de création et à son évolution, qu’il désigne comme porté par "VOUS" (les participant.e.s), même et surtout si le projet est collectif comme celui des Ateliers. En l'occurrence l'artiste questionne précisément la nature même du lit du fleuve, et propose une approche sensible de la monumentalité de l'échelle de la Confluence.


Programme-territoire-thème

Comment s'attaquer à la tâche qui vous avait été donnée? Quelle approche choisir au regard de la complexité du site à traiter? Quelle identité lui donner? Le gain d'une identité sera-t-il d'ailleurs la solution? Le site peut-il avoir une certaine cohérence? Quelle approche utiliser pour le projet de façon à ce que j'y sois partie prenante et non pas exclu? Quelle est ma relation à l'espace et à la réalité, et quelle est ma perception de ces termes, afin de pouvoir commencer à travailler sur le projet en partant de cette perception? Certains sont tout de suite partis d'une idée forte ou d'une intuition formulée pour ensuite revenir dessus après avoir discuté avec les autres membres de l'équipe ou après avoir révisé leurs propres points de vue. J'ai vu la grande faculté et la capacité d'écoute dont vous disposiez dans les équipes. A chaque fois vous avez évolué ou adapté vos idées selon la situation. J'ai vu la façon dont vous vous appropriiez le défi lancé, sachant que cela générerait l'énergie nécessaire. Et vous n'aviez aucune crainte. J'ai vu la manière dont vous travailliez sans trop savoir où cela allait vous mener, sans savoir quel serait le résultat. Vous aviez intuitivement confiance en vous. Et justement, cette première impression, l'avez-vous suivi aussi loin que vous l'auriez souhaité? Tout au long des Ateliers, chaque étudiant au sein d'une équipe a effectué une partie du travail collectif, selon sa personnalité et ses aptitudes. Le projet final formait cependant un tout.
J'ai vu certains attendre qu'une idée leur vienne. Vu de l'extérieur, ces participants pouvaient sembler passifs. En y regardant à deux fois, on s'apercevait qu'ils évoluaient et étaient aussi actifs que les autres. Ils attendaient leur moment, à leur rythme et à leur manière. Et eux aussi étaient partie intégrante de l'équipe. D'autres, que ce soit individuellement ou en tant qu'équipe avaient la faculté de transformer leurs intuitions en images stupéfiantes, à la fois abstraites et réalistes, sans se soucier de savoir où cela les mènerait. Ils savaient intuitivement que quelque chose sortirait du processus de création, d'évolution. Le temps a toujours joué un rôle important dans le processus créatif. C'est le temps qui donnerait au projet sa forme définitive. Quelle était la contribution du temps lors du processus de développement de votre projet? Dans votre travail, avez-vous conservé la force du processus comme une expression de temps? La méthode englobe toutes ces choses. C'est un processus absolument remarquable qui prend - consciemment ou non toute notre attention - afin de répondre au défi que VOUS vous êtes lancé.
Bien entendu, vous aviez parfaitement raison de commencer à travailler sans trop savoir où cela allait vous mener. Dans chaque procédé de ce type, une personne part d’où elle est et avance le moment venu. Peut-il en être autrement? Le point de départ, c'est VOUS. C'est vous, un être responsable, qui est en relation avec le monde. C'est VOTRE relation qui crée le monde. Et aucune autre. Lorsque l'on a conscience de cela, cela donne une poussée d'énergie formidable pour trouver comment on peut établir un lien avec le monde. Etre en relation avec le monde cela signifie adopter une attitude d'apprentissage, prenant ce qui advient sans jugement ni idées préconçues. Cela signifie regarder la réalité la face comme un renouveau perpétuel, parce que justement elle ne cesse de se transformer. Comment pouvez-vous concevoir de nouveaux espaces si vous n'avez pas conscience de votre propre relation à l'espace? La compréhension de votre relation à l'espace est déjà en elle-même une création d'espace. Votre perception de l'espace ouvre la voie de la création d'un nouvel espace. Comment pouvez-vous transformer la réalité si vous ne savez pas de quelle façon vous faites partie de cette réalité? Et comme la réalité est en perpétuelle mutation vous adaptez naturellement et à chaque instant votre relation avec elle. Si l'on sait ce que l'on est et quelle est la relation que l'on entretient avec l'espace il n'y a alors pas lieu de travailler sur un nouveau concept d'espace. Le nouvel espace sera automatiquement la continuation directe de la conscience spontanée de chacun. Et c'est bien la raison pour laquelle ce processus est indispensable par rapport au résultat. Le résultat est la conséquence naturelle du processus.
Prenons l'exemple du fleuve. Vous êtes-vous demandé quelle était votre relation avec le fleuve ? Avez-vous réfléchi à ce que représentent le fleuve et l'eau pour vous? Avez-vous confronté votre propre existence avec celle de l'eau? Et d'ailleurs, quelle est l'existence de l'eau? N'est-ce pas un corps fluide sans formes? N'est-ce pas l'humidité de l'eau et même son évaporation? Ne s'agit-il pas de ces mouvements de va-et-vient de la marée ? Ne s'agit-il pas de la température ressentie lorsque l'on touche l'eau? Les courbes de ses rives ? Ces couleurs et ces lumières se transformant sans cesse, cet éclat scintillant de l'eau au soleil, ces ténèbres la nuit et tous les demis tons que nous connaissons? Et le ciel n'a-t-il pas toujours été son compagnon? N'est-ce pas la pluie qui tombe sur le fleuve et en grossit le flux ? N'est-ce pas la faune et la flore de ses rives ainsi que celles que nous ne voyons pas en son lit? N'est-ce pas son volume changeant et les inondations, lorsque le fleuve déborde?
Est-ce que je connais les vitesses de courants du fleuve? Est-ce que je connais son poids ainsi que sa légèreté transparente? Est-ce que je connais sa force ainsi que son calme limpide. Tout cela fait partie du fleuve, ce sont ses particularités. Est-ce que je sais ce qu'est le fleuve avant d'intervenir dessus? Ais-je bien conscience de ma relation avec le fleuve afin d'élargir cette connexion et en créer de nouvelles? Le fait de prendre conscience du fleuve peut être appliqué à tout autre élément du site: la ville, l'habitat, les industries, les transports, les "espaces verts", la rue.
Tout comme le fleuve a conscience de lui-même, on doit avoir conscience de sa propre façon d'être et de vivre. La conscience dont je parle n'est pas un savoir rationnel. Cela ne vient pas en réfléchissant. Il s'agit de la compréhension de notre relation avec le monde. Cette conscience EST notre relation au monde. Ce n'est pas un concept. C'est un état de fait. Elle a la qualité de l'énergie. L'intuition n'en est qu'un de ses aspects. Ainsi on peut se poser la question: Est-ce que je me reconnais dans ma proposition de transformation de la réalité? Mon projet est-il bien le prolongement de moi-même? Est-ce que je propose seulement une nouvelle idée, un nouveau concept qui n'est pas ce que je suis, où pense être, où suis-je véritablement partie prenante dans ma proposition de transformation de la réalité? Ai-je vraiment vérifié, à travers l'expérience de mon propre être avec le monde, la validité de mes propositions? Le projet est-il partie de moi-même? Puis-je complètement m'investir dans mon travail sur la réalité? Je fais partie du monde et le monde fait partie de moi. Le monde n'est pas uniquement composé d'un nombre infini d'individualités, mais chacune d'entre elle, dans sa véritable conscience, exprime le tout. Et le tout est au centre de chaque conscience individuelle. Puis-je reconnaître le tout en moi-même? Puis-je le partager avec d'autres? Est-ce que je sais qu'il s'agit de ma propre perception en tant qu'être humain, faisant partie du monde, qui crée le monde? J'ai beaucoup appris durant les Ateliers autant des participants que des experts. J'ai vu, dans ce que vous disiez et faisiez, que chacun d'entre vous avait une sensibilité d'artiste. J'ai été conforté dans mon idée que l'action de l'artiste peut s'étendre depuis son travail personnel jusqu'au projet urbain et même au-delà, à chaque réalité. J'ai appris que la création EST la relation. L'action de l'artiste n'est pas limitée à ses actions. L'acte de création repose dans la conscience de la relation unique que l'on a avec une chose ou un être du monde. La création découle de cette unique prise de conscience. Faites votre travail d'approche d'un site urbain, ou de n'importe quel élément le composant, avec cette conscience authentique de la façon dont vous entretenez des rapports au site ou à ses éléments. Traitez-le comme un être en face d'un autre être.
Laurent Pariente, octobre 2003

Matériel disponible
Textes et dessins


Biographie

Laurent Pariente est un sculpteur français né en 1962 à Oran (Algérie). Actif sur la scène artistique au milieu des années 1980, Laurent Pariente invente et développe une œuvre hybride s'accommodant de la porosité des pratiques. C'est notamment à partir d'un vocabulaire de formes restreint à la lisière de la sculpture, de l'architecture, de la scénographie et de l'environnement, qu'il investit les espaces d'exposition.
Principalement fondé sur la construction appliquée d'une multitude d'espaces cloisonnés ouverts les uns sur les autres, l'art de Laurent Pariente s'affirme d'emblée comme une présence d'envergure et épurée qui entre directement en rivalité avec le lieu qui l'accueille. Il ne s'offre pas comme un objet que l'on contourne mais comme un endroit dans lequel on s'enfonce. Se défendant de produire des œuvres in situ, l'artiste met en place un territoire partiellement autonome qui n'existe qu'à travers sa pratique, c'est-à-dire qu'à travers l'exercice de sa traversée. « L’œuvre n’est pas conçue pour un lieu donné, précise l'artiste. Le lieu n’est pas à l’origine de l’œuvre, celle-ci existe préalablement. Elle ne s’adapte pas au lieu ni ne se l’approprie. L’un et l’autre sont autonomes. Ils prennent corps ensemble au moment de l’exposition. » Le travail de Laurent Pariente se pénètre et s'éprouve corporellement.
(Extrait de L’Institut d’art contemporain de Villeurbanne)


Contact
laurent.pariente@gmail.com


Index

Dossier réalisé par art-public.com